GTA 4 : Attention danger. Il n’y a que Freud pour ne pas s’inquiéter ?
Je n’apprendrais pas ça à grand monde, je pense. GTA 4 est sortie. Oui, le 4 ème opus de cette saga scandaleuse, où tout est permis. Sonnette d’alarme : “les joueurs vont devenir des psychopathes, ah la la il manquait plus que ça !”. Mais pourquoi donc jouer aux psychopathes ?
Je pense qu’il est temps de revenir dans le passé en 1905 ou 1906 où un certain Sigmund Freud avait écrit “Personnages psychopathiques à la scène” (in résultats, idées, problèmes I, PUF). Texte de quelques pages où Freud part du constat que les personnages des grandes tragédies grecques seraient considérés comme très atteints et dangereux. En effet, les personnages de jeux vidéos sont des petits joueurs (sans mauvais jeu de mot… Et pourtant si) à coté d’un Oreste ou encore d’un Œdipe.
petit extrait:
“Le fait pour l’adulte de participer par le regard au jeu du théâtre a la même fonction que le jeu pour l’enfant, dont l’espoir tâtonnant de pouvoir s’égaler à l’adulte se trouve ainsi satisfait. Le spectateur vit trop peu de choses, il se sent comme un “un misérable à qui rien de grand ne peut arriver”, il a dû depuis longtemps étouffer, mieux déplacer son ambition d’être en tant que moi au centre des rouages de l’univers, il veut sentir, agir, tout modeler selon son désir, bref être un héros, et les acteurs-poêtes du théatre le lui rendent possible en lui permettant l’identification avec un héros. En la circonstance ils lui épargnent aussi quelques chose, car le spectateur sait bien qu’une telle activation de sa personne dans l’héroîsme n’est pas possible sans douleurs, souffrances ni pénibles appréhensions qui suppriment presque la jouissance; il sait aussi qu’il n’a qu’une vie et que peut-être il succombera dans un tel combat contre les résistances. Aussi sa jouissance présuppose-t-elle l’illusion, c’est à dire l’adoucissement de la souffrance par l’assurance que premièrement c’est un autre qui agit et souffre [...], et que deuxièmement ce n’est finalement qu’un jeu [...], céder impunément à des motions réprimés.”
S. Freud, “Personnages psychopathiques à la scène” (1906), trad. J. Altounian, A. Bourguignon, P. Cotet, A. Rauzy, in Résultats, idées, problèmes, I, Paris, Presses Universitaires de France, 1984.
On pourrait rétorquer, comme le fait naïvement certains, que dans les jeux vidéos on agit. Oui c’est certains, l’acteur aussi agit, d’ailleurs il est celui qui fait acte, qui joue le personnage, s’y identifie, se met à sa place, le travaille etc. Antony Hopkins a-til mangé des hommes parce qu’il a incarné Hannibal Lecter ?
Si le joueur prend du plaisir à tout casser dans le jeu, c’est bien parce qu’il se l’interdirait dans la réalité : le névrosé est comme ça, il jouie dans le déplacement. Laissons donc ces petits moments où l’on peut berner notre moralité.
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