Psychanalyse et internet : problématique

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La psychanalyse et internet peuvent-ils faire bon ménage ? Non pas que les espaces manquent, au contraire les nombreux sites de qualités en attestent. Il s’agit davantage de pointer les difficultés, donc les questionnements qui se posent lorsque que l’on s’oriente d’une approche analytique à propos de cet objet moderne. En effet, parler de psychanalyse, c’est parler d’inconscient. Or parlons-nous de l’inconscient du lecteur, lorsque celui-ci lit sur ce blog, qu’ inconsciemment il se passe ceci ou cela sur la toile, alors même qu’il est au moment de la lecture, puis éventuellement par la suite, à l’écriture d’un commentaire, internaute ? Au final, ne faisons-nous pas plutôt de la phénoménologie que de la psychanalyse ?

Ce problème peut se poser d’ailleurs à tous ce qu’on appelle la psychanalyse appliquée, à savoir appliquée à des objets culturelles et anthropologiques. Ce qui pose question vient du fait que la psychanalyse met en avant la singularité de l’individu, non pas uniquement parce que chacun est différent, mais surtout parce que la psychanalyse insiste sur le fait que nous avons une façon bien à nous de s’approprier le monde, de l’utiliser, et que surtout nous interprétons le sens des choses d’une façon à servir des exigences soit défensives soit pulsionnelles, en un mot égoïste !

Une piste intéressante est celle des groupes. En effet, Freud dans « psychologie des foules et analyse du moi », avait écrit :

« la psychologie individuelle est aussi, d’emblée et simultanément, une psychologie sociale. »

Par la suite, Didier Anzieu avait dégager un aspect primordiale du sédiment du groupe avec l’idée que ce qui lie un groupe pour un temps c’est le fait que chacun participe à une illusion groupale (”nous aimons tous, nous sommes un bon groupe, tout le monde est à égalité”) qui consiste à mettre en commun une toute puissance (Moi idéal). De plus chacun trouve son rôle en tant que membre par le fait d’incarner des fonctions qui sont les mêmes que dans les appareils psychiques individuels. On retrouvera dans le groupe ce qui correspond au ça, au surmoi et au moi, mais aussi des processus comme le clivage bon/mauvais objet et bien d’autres. Ainsi l’on peut parler d’un « singulier pluriel » pour reprendre le titre d’un des livres récents de René Kaes. D’ailleurs, ce dernier s’est intéressé à ce qui fait groupe au niveau inconscient et aboutie entre autre au concept « d’alliance inconsciente ». Comment nos inconscient trouvent-ils intérêt les uns aux autres ? voici une question qui ne manque pas de se poser sur le net.

vous l’avez compris je suppose, la seule approche analytique viable au sujet du web est celle qui prend suite dans l’approche groupale. Au moment où le net devient un enjeu culturelle, économique voir politique de plus en plus grand, c’est à travers un terme que l’importance du groupe est reconnue : “Le web 2.0″, devenu depuis quelques jours “les médias sociaux“. Mais beaucoup diront à juste à titre que le web et même avant (usenet et autre), a toujours été un phénomène de groupe : il suffit de voir l’exemple des Forums qui n’ont pas attendu le tout votable et commentable, avant d’exister. Il est intéressant de noter que pour exister sur le net de manière visible, grand nombre de conseils tournent autour de l’idée de communauté : liez-vous à d’autres, commentez, utilisez les outils de mise en communauté (mybloglog, twitter, se proposer de rédiger dans d’autres blogs et évidemment, ne pas oublier les forums). « être au web » n’est possible que dans une ou des communautés ou des groupes d’amis, de connaissances, de professionnel. On a beaucoup dit des blogs qu’ils étaient des journal intimes numériques. Vaste hérésie ! Le blog « intime », sont des espaces de l’intime qu’on veut que d’autres sachent. Autrement dit, du pas vraiment intime dés lors qu’on est son propre paparazzi.

Maintenant, revenons à l’objet initial de cet article. Si la psychanalyse c’est l’inconscient et que le web c’est du groupe, du collectif, dans ce cas peut-on dire que la psychanalyse doit s’intéresser à propos d’internet d’un inconscient collectif en ligne ?

En effet, la psychanalyse de groupe, se trouve régulièrement questionner sur un point litigieux entre Freud et Jung : l’inconscient collectif que défend ce dernier. Ici se trouve soit une différence subtile soit une querelle de mots à propos de deux grandes écoles qui s’affrontent de manière fratricide. Je vous en laisse en juger…

Jung a développer cette idée que les groupes, les nations avaient un inconscient qui leur étaient propres. Et qu’un inconscient était spécifique à une nation. Freud et ses successeurs défendirent l’idée que cet inconscient même groupal était structuré de la même manière, malgré une diversité de formes et de destins. Autrement dit l’inconscient se composent au plus profond d’invariants et d’universalité. L’invariant le plus célèbre étant l’universalité du complexe d’œdipe. Ce point est primordial car il permet de comprendre le paradoxe et l’articulation entre singularité et universalité dans la psychanalyse. Si l’inconscient est dans le singulier, pourquoi élaborer des théorie générale ? Si l’inconscient est propre à chacun, comment penser l’inconscient dans le groupe ? Vous pouvez voir que ce questionnement est le même que pour celui entre psychanalyse et internet. Si l’approche, la lecture, l’interprétation de l’inconscient (car son inconscient on ne peut que l’interpréter) reste toujours singulière, relative et unique, elle ne se fait qu’à partir d’invariants de bases qui sont universaux. Kant disait que la connaissance commençait avec l’expérience mais ne s’y réduitsait pas. Cela veut dire qu’avant même d’expérimenter les choses, d’y construire une approche singulière, il existe certaines choses universelles et innées. Or Freud en bon Darwinien part du principe que le développement de l’individu (ontogenèse) répète celui de l’espèce (phylogenèse).

Ainsi quelle développement de notre civilisation répétons-nous sur le net ?

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A lire : Vous pouvez consulter les articles de Yann leroux sur la question des eGroupes

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