Dieu le père en psychanalyse. Quoique !

dieu

Lors d’une lecture de malaise dans la civilisation (Freud 1929) mon attention fut retenu par cette hypothèse freudienne que le dieu monothéiste unique était d’essence paternelle. Autrement dit, la croyance en Dieu est une façon de questionner et mettre en scène le père. Et en croire la sacrosainte expression “Dieu le père” des chrétiens, on peut d’une certaine manière lui donner raison. Mais est-ce aussi simple ?

Freud en tant que Juif a bel et bien été élevé dans la culture hébraïque bien qu’il n’eut jamais vraiment reconnu l’influence de son judaïsme dans sa théorisation (exception faite peut-être dans Freud présenté par lui-même, 1924/1925). Et Pourtant l’art de l’interprétation du texte et du verbe fait partie de l’éducation spirituelle classique judaïque. Une des affirmations fortes concernant le Dieu des hébreux est celle de dire qu’au commencement était le verbe. Et que Dieu est davantage une instance nommante (les choses adviennent par leurs nominations) Ce dieu désigné par les 4 lettres du Tétragramme (YHWH) est aussi celui qui organise un Chaos. définit les règles et interactions. En ce sens il a fonction symbolique propre à la fonction paternelle telle que l’a définit Lacan. Néanmoins dans sa lecture psychanalytique de la Tora, Daniel Sibony (in lecture Lectures bibliques : Premières approches, 2007) précise que Dieu a plusieurs noms le deux principaux sont le Tétragramme (YHWH) et Elohym. Cette seconde acception désigne davantage un Dieu créateur, cause de la vie. Ainsi cette idée de donner la vie et de créer devrait à mon sens davantage être rattacher au maternel. Ainsi ce Dieu unique premier serait tout la fois maternel et paternel. Chez les chrétiens le maternel de Dieu fut d’abord refoulé (Dieu le père) puis déplacé vers une humaine : Marie. Ce déplacement s’opérant également sur ce qu’elle met au monde : Ce n’est pas le monde dont elle sera cause mais de son sauveur : Jésus. Si l’importance de la fonction maternelle demeure (mettre au monde le sauveur n’est pas rien) elle est inversée dans le temps : Elle arrive après le père. Pourtant dans des temps plus anciens les Déesses mères étaient belle et bien présente dans les religions polythéistes. Bien que polythéistes, il existait tout de même un culte unique en vers une Déesse mère dans certaines villes comme Ephèse*. Certains trouveront abusif d’affirmer que c’est déjà une forme de monothéisme pour le coup envers une déesse mère. En effet certains diront que choisir de vouer un culte en une seule divinité ne veut pas forcément dire qu’on nie les autres. Or cette seconde condition est nécessaire pour parler à proprement parlé de monothéisme. J’objecterais pour ma part que c’est déjà un premier pas.

Maintenant vous vous demandez pourquoi je parle de religion ? En fait je fais ce détour pour aborder un point crucial qui a été trop vite écarté par Freud : le sentiment océanique. Ce concept de Romain Rolland est selon lui ce sur quoi la religion se fonde. On peut résumer le sentiment océanique comme étant le désir de ne faire qu’un avec le monde de s’y fusionner en quelque sorte. Freud quant à lui prônant l’hypothèse suivante :

Pour ce qui est des besoins religieux, la dérivation à partir du désaide infantile et de la désirance qu’il éveille pour le père ne semble pas pouvoir être écartée, d’autant plus que ce sentiment n’est pas une simple prolongation de la vie infantile, mais est conservé durablement du fait de l’angoisse devant la surpuissance du destin.
S. Freud, Malaise dans la civilisation, PUF, Coll. Quadrige, 1995. p.14

Autrement dit Freud favoriserait le complexe d’œdipe qui met en scène la puissance du père sur l’enfant (car entre autre il écarte l’enfant de la mère). Pourtant la question du maternel archaïque qui est une autre manière de formuler le sentiment océanique a son importance dans toutes nos créations et non pas seulement religieuse. Par exemple l’espace même du web où l’on est connecté au reste du monde, où l’on surf dans un océan d’informations, peut tout à fait se décrire par un sentiment océanique (surtout lorsque nous voyons toutes les métaphores maritimes utilisées sur internet). Si Google fait office de fonction paternelle, l’espace même du web qui nous englobe tous, nous internaute, qui nous offre une grande source d’abondance, peut être comparable à une imago maternelle puissante, abondante mais aussi frustrante quand notre faim n’est pas rassasiée.

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* La particularité de Ephèse vouant un culte à Diane/Artémis est d’avoir longtemps été fidèle à une Déesse même après que L’empereur Constantin ait fondé l’église romaine. D’ailleurs, Freud parle de cette particularité dans “Grande est la Diane” des Ephésien” (1911) in Résultats, idées, problèmes, I

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