Pseudonyme et anonymat
Suite à l’article sur les pseudonymes, j’aimerais dire quelques mots sur l’anonymat. En effet, assez rapidement l’on pense que le pseudonyme permet d’être anonyme. Autrement dit, un faux nom induit une absence de nom. Vous conviendrez de l’absurdité d’une telle affirmation qui se contredit aussitôt énoncé. Cette erreur peut être comprise comme une confusion entre le faux-semblant (autrement dit le jeu, le déguisement) et ce qui n’est pas (le non être). Pourtant, le faux-semblant est véritablement un faux pas-vrai, une double négation révélant d’une certaine manière un vrai sincère. En effet, derrière le déguisement puisqu’il nous cache, on peut parfois révéler plus. Ceci est connu des psychologues depuis longtemps et se concrétise par exemple dans le psychodrame lorsqu’on invite un patient à incarner un rôle et à choisir un autre prénom que le sien. Or il serait absurde d’affirmer que ce choix thérapeutique vise à effacer le nom du sujet. Au contraire c’est un déguisement cachant son nom mais qui du coup insiste sur son existence. Nul besoin de cacher quelque chose qui n’est pas. Derrière un autre nom il peut s’autoriser à tromper ses défenses (inconsciemment). mais ce faux nom, n’oublions pas, le sujet le choisit et le représente à travers son personnage. C’est une autre manière de dire que le signifiant (ici le pseudonyme) représente (dans le jeu) le sujet (le patient) pour un autre signifiant (son prénom).
On pourrait dés lors dire que si le pseudonyme n’est pas un anonymat, dans ce cas ça serait l’anonymat qui serait un pseudonyme. Eh bien non.
Tout simplement parce que le pseudonyme est un nom propre. Et le nom propre est un désignateur rigide (Kripke), c’est à dire qu’il n’a d’autre fonction que de désigner une personne parmi un groupe d’appartenance. Robert Dupont, distingue cette personne là dans la famille Dupont, ce n’est pas n’importe quel Dupont mais Robert. Sur le net c’est pareil, nos pseudonymes nous permettent de nous distinguer des uns des autres (même s’il y a des homonymies). Robert69 se distinguant ainsi de Robert ou Robert 1517 mais en même temps ceci pourait signifier un département ou une date d’anniversaire (c’est la condensation).
L’anonymat quant à lui n’a pas de nom (contrairement à ce que j’avais avancé, un jour) Que ce soit dans l’histoire ou sur le web, quelqus soit l’anonyme, il s’apellera toujour anonyme, anon, anonymous ou encore unknown et autre unregistered sur les blogs et forum qui le permettent. Ainsi, l’ Anonyme n’a pas de nom car tout le monde a le même. En outre, la masse indiférenciée d’anonymes ne peut être un groupe qui lui a des membres avec des places et des alliances inconscientes (René Kaes) singulières. En effet, n’a de nom que ce qui se differentie, se distingue. Le sans nom veut rester non pas caché/déguisé mais invisible, fondu à une masse.
De tradition, bien avant le net, le pseudonyme servait à dire une vérité, un autre discours tout en étant caché sous un masque. Mais dérière le masque il y a un acte de sujet, le sujet d’un discours et donc un nom qui se déguise. Dans le journalisme le pseudonyme a souvent été utilisé pour dire une vérité pouvant mettre son auteur en danger. Chez certains libertains il permetait d’écrire des pamphlets et des textes choquant les moeurs au point d’être passable de prison, voir pire.
Si le pseudonyme sur le net est souvent un surnom, il permet aussi dans d’autres cas de déguiser une identité pour s’autoriser un certain discours même les plus stupide. Mais ce que dit et fait le sujet lui reste attribuer à travers un représentant ou plus précisément un signifiant.
D’ailleurs quand dans la littérature un pseudonyme devenait connu, on finisait toujours par savoir le véritable nom de l’auteur. Les auteurs sont dit anonymes lorsqu’on ne sait pas qui sait, quand le texte est composé de plusieurs auteurs inconnus ou lorsqu’un écrit est tellement ancien et fondu dans la culture populaire qu’il n’appartient plus vraiment quelqu’un.
Si l’on devait faire un parrallèle théorique un peu abusif, mais très parlant : le pseudonyme serait plutôt un processus de déplacement symbolique où le pseudonyme représente le sujet pour son nom. Alors que l’anonymat serait une sorte de forclusion du nom qui ferait retour que par le simple fait d’être sans nom.