Je suis daté donc je suis

calendar.pngIl y a un aspect de la blogologie que je n’ai pas encore abordé. Je vais faire dans cet article un bond théorique qui j’espère ne tombera pas à l’eau et ne me fera pas passé pour un marin d’eau douce. Outre le fait que blogguer prenne du temps, cet acte même est marqué par le temps. Plus précisément par la date. Le blog se caractérise par rapport à un site classique par le fait que les articles sont indexés tout d’abord par une date : il y a toujours la date. De plus le classement se fait le plus souvent de l’article le plus récent au plus ancien. on peut selon les dates de plusieurs articles définir un rythme, un blog plus ou moins vivant. En plus des commentaires, le rythme de publication donne une idée de la vie d’un blog. Lorsqu’un blog est rarement mise à jour on dit communément que « c’est mort par ici ». A l’inverse, le lecteur se sent vite submergé sur un blog trop mise à jour. Les dates permettent donc définir une continuité, une vie du blog.

Les lecteurs aguerris de Winnicott peuvent déjà entrevoir là, un lien que je fais entre la capacité d’être seul et la continuité d’existence. En effet chez cet auteur, la capacité d’être seul ne peut se faire que grâce à une continuité d’existence (going on being). Pour comprendre cela il faut mettre en lien deux textes que l’on trouve dans De la pédiatrie à la psychanalyse : « La préoccupation maternelle primaire » (1956) et « La capacité d’être seul » (1958).

Dans son texte de 1956, Winnicott, nous explique que les soins maternelles passant d’abord par le corps doivent être suffisamment répétés pour donner à l’enfant une impression de réelle de l’expérience. La mère doit être suffisamment bonne pour cela, c’est à dire que dans l’excès nous tombons dans l’empiètement et l’enfant se trouve envahie par une “menace d’annihilation [qui] est, [selon lui], une angoisse bien réelle, bien antérieure à toute angoisse qui inclut le mot mort dans sa descripion.”. Un rythme juste permettant ainsi de percevoir la mère et ses soins de manières continu, ininterrompue. Ensuite par introjection de cet environnement suffisamment bon, naîtra une continuité d’existence qui donc prend racine dans le support des soins maternels. C’est là que se crée ce que Winnicott nomme « relation au moi » (ego-relatedness).

Dans « La capacité d’être seul », il nous précise que paradoxalement, elle ne peut se faire qu’en présence et appuie de la mère. Avant de pouvoir dire « je suis seul », il est nécessaire que cette relation au moi soit faite.

Bien que Winnicott n’écrit pas noir sur blanc que la capacité d’être seul s’appuie sur la continuité d’existence, il précise néanmoins que cette capacité s’appuie sur la présence de la mère et sur la présence d’un bon objet interne de type maternel suffisamment solide, ce que lui-même nomme « relation au moi ». Or dans « La préoccupation maternelle primaire », l’auteur fait découler « la relation au moi » d’une continuité d’existence, elle même dépendante d’une répétition suffisante de soins et d’amour maternelles.

Ainsi la capacité d’être seul s’appuie dans un cadre où quelque chose de satisfaisant est suffisamment répété, définissant une continuité d’existence. Or dans les blogs il y a d’abord marquage temporel par la date et donc répétition. Il vrai que là je fais un pont un peu rapide mais revenons sur une des acceptions de « log » qui je le rappelle compose « weblog » devenu par la suite « blog ». En effet une autre manière d’entendre ce « log » du web, concerne le premier sens qu’il prit dans la marine. Avant d’être le carnet de bord du capitaine, le « log » était pour les marins, un bout de bois qu’on lançait à la mer pour déterminer la vitesse du bateau selon le temps que prenait ce bout de bois pour s’éloigner. On était alors déjà dans quelque chose lié au temps.

Par la suite en informatique « to log » désignait le fait d’entrer une date dans une base de donnée, avant de devenir aussi « to log in » et « to log out » signifiant un acte de connexion et de déconnection dans un programme ou un service web.

Le « log » signifiant à la fois la présence du temps et la présence de l’internaute. Ce « log » réunissant l’être et le temps, marquant du coup l’être dans le temps.

Avec Winnicott nous apprenons ainsi que la continuité d’existence, le fait d’être continu dans le temps, renvoie à un temps très ancien de la vie psychique. Kant quant à lui (eh eh!) tentant de déterminer dans la connaissance ce qui était à priori, c’est à dire avant l’expérience, avait conclut que ce dont nous avons connaissance de manière innée était l’espace et le temps. Il est intéressant de noter que Winnicott marque une rupture en disant que le temps ça s’apprend par une répétition d’une expérience suffisamment satisfaisante. Et quoi de plus satisfaisant que de voir ses articles marqués d’une dates et se répétant, montrant là une continuité d’un « je suis dans le web » ?

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